Au cours des derniers mois, Pointer a interrogé plus de 50 musiciens ainsi que des membres de la direction et du personnel issus de sept orchestres dirigés par Jaap van Zweden ces 25 dernières années, tant aux Pays-Bas qu’à l’étranger. Un constat revient sans cesse : la dureté, parfois l’intimidation, exercée dans son mode de gestion. Des musiciens, de diverses nationalités, racontent avoir été humiliés ou rabaissés devant leurs collègues. Pour certains, travailler avec Van Zweden a laissé des séquelles durables.

Entre calmants et arrêts maladie

Certains musiciens ont confié à Pointer qu’ils se mettaient en arrêt maladie lorsque Van Zweden était annoncé à la baguette. D’autres prenaient des bêtabloquants ou autres calmants. « Il vous hurle dessus comme si vous aviez quatre ans », rapporte une source basée à Dallas, dans l’émission de Pointer. L’artiste en question a accepté de parler sous couvert d’anonymat, une condition exigée par la majorité des témoins interrogés. « Et quand il fait ça, vous êtes livré à vous-même », ajoute un autre, basé à Hong Kong. « Ce n’est pas seulement l’orchestre, tout le monde a peur de lui. Même jusqu’à la direction. »

Pointer a également interrogé six (anciens) chefs d’orchestre sur leur collaboration avec Van Zweden. La plupart n’ont accepté de témoigner que de manière anonyme. Tous reconnaissent les succès artistiques et commerciaux obtenus sous sa direction. Plusieurs d’entre eux déclarent avoir été mis au courant, de manière informelle, des préoccupations entourant son comportement vis-à-vis des musiciens. Néanmoins, des plaintes officielles sont rarement — voire jamais — remontées jusqu’au sommet.

« Des limites franchies »

Rob van Eijbergen, professeur en intégrité des organisations, et Marjan Olfers, juriste et chercheuse, ont chacun lu 20 témoignages anonymisés. Tous deux concluent séparément que des comportements transgressifs ont bel et bien été adoptés dans les orchestres dirigés par Van Zweden. Olfers déclare : « Pour celles et ceux qui en ont été témoins ou victimes, des limites ont été franchies. Parfois avec des conséquences très lourdes pour leur santé. » Elle parle d’un « climat de peur » perceptible dans les témoignages. Rob van Eijbergen ajoute : « Ce genre de comportement tourne souvent autour d’un abus de pouvoir. »

Dans sa réaction, Jaap van Zweden affirme ne pas être en mesure d’évaluer la véracité des nombreux témoignages anonymes. Il se dit néanmoins choqué par l’image qui en ressort. « En tant que chef d’orchestre, je m’efforce sans cesse d’améliorer les choses. Il m’arrive d’employer un ton intense, et ce n’est pas toujours agréable quand cela se passe devant 120 personnes. Je sais que je peux être exigeant. […] Mais cela ne devrait jamais justifier un climat de tension menant à l’usage de calmants », reconnaît-il. Il se dit aussi ouvert à la critique : « Ces récits me touchent, car un chef se doit d’être en phase avec son orchestre. C’est la seule voie vers l’harmonie parfaite. Si ma manière de travailler peut être améliorée, je veux l’entendre. » Sa réponse complète est diffusée dans l’émission de Pointer.

Jaap van Zweden est considéré comme l’un des chefs d’orchestre les plus célèbres et les plus célébrés des Pays-Bas. Après avoir été premier violon dans l’Orchestre royal du Concertgebouw, il a dirigé près de 50 orchestres à travers le monde au cours des 30 dernières années. En 2011, il a été sacré « chef d’orchestre de l’année » aux États-Unis. En 2019, l’Orchestre philharmonique de Hong Kong, qu’il dirigeait alors, a été nommé meilleur orchestre du monde. Il y a deux ans, il a reçu le prix de l’Orchestre royal du Concertgebouw dans son pays natal.

Depuis un certain temps, Pointer mène des enquêtes sur les dérives dans le milieu de la musique classique. Après un premier reportage sur les comportements inappropriés dans les conservatoires, la rédaction a reçu plusieurs alertes sur l’impact du travail avec Jaap van Zweden. C’est à la suite de ces signalements qu’une enquête a été lancée il y a six mois. L’identité de toutes les sources anonymes est connue de la rédaction.

Pointer, jeudi 22 mai à 16 h sur YouTube (KRO-NCRV), et dimanche 25 mai à 22 h 10 sur NPO2.